Le malheur des uns fait-il toujours le bonheur des autres ?

SP reçu dans le cadre d’un concours organisé par Lecteurs.com

Editions Buchet Chastel

Qui a tué l’homme-homard ?, de l’auteur J.M. ERRE,  368 pages officielles, édité en janvier 2019 par les Éditions Buchet-Chastel. Disponible en version brochée et en version numérique ! Toutes les informations essentielles se trouvent ici.

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Les faits : Un village de monstres abrite un tueur qui adore découper ses victimes en petits morceaux (non, il ne les fait pas rissoler, mais c’est tout comme). La première victime n’est autre que celui qu’on nomme : L’homme-homard. Je vous laisse découvrir pourquoi même si la couverture vous donne un sacré indice ! L’adjudant Pascalini accompagné de son stagiaire, Babiloune, tentent d’élucider ce meurtre avec les moyens du bord. Il faut dire que les habitants du village de Margoujols sont un peu… spéciaux. Mais c’est sans compter sur le pragmatisme et l’humour décalé de la jeune Julie, fille du Maire, passionnée de romans policiers, que ce polar pimenté, prend forme. Enfin, il y a ces articles mystérieux, du blog d’une certaine Winona Jane. Tous les ingrédients sont réunis pour vous faire passer un excellent moment tordu.

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Pour une première lecture d’un livre de cet auteur, je ne suis pas du tout déçue ! Enfin si, déçue qu’il n’y ait pas 300 pages en plus car je serais bien restée plus longtemps à enquêter auprès de Julie.
Je ne vous ai pas encore parlé de Julie ? Un de mes personnages préférés de fiction ! Même si je vous avoue que chacun des habitants de Margoujols possède des caractéristiques et une personnalité propre, réaliste et, humaniste, qui les rendent uniques, attachants, mais surtout indispensables pour composer ce village de Freaks !

Mais revenons à Julie. Caractère très fort, sarcastique, dans l’auto-dérision permanente, elle est primordiale au bon déroulement de cette intrigue détaillée et logique. Elle mène avec brio et humour piquant, une enquête pour meurtres auprès d’un inspecteur désabusé et d’un stagiaire pas très futé. Sans elle, le roman pourrait vite devenir plus banal, plus classique. De plus, c’est un angle intéressant que je n’ai pas trouvé ailleurs que de faire intervenir comme narratrice principale et enquêtrice (pas si amateure qu’il n’y parait), une jeune fille handicapée. Cela vous choque ? Il n’y a pas de quoi l’être. Aussi vive que l’éclair, elle impose à sa façon son tempérament à l’inspecteur et son stagiaire. Faut-il préciser qu’elle est tétraplégique et qu’elle se déplace en fauteuil roulant ? Oui ! C’est ce qui rend toutes ses interventions aussi comiques et décalées. Je n’ai pas eu pitié d’elle, ce n’est d’ailleurs pas le but recherché par l’auteur. Elle vit dans un village de freaks autrement dit, de villageois complètement gratinés, atypiques mais tellement drôles. Tout à tour, ils se dévoilent à nous au rythme d’une enquête rythmée et ternie de suspense sur l’identité du tueur.

En déjouant tous les codes de ce qui fait un bon polar classique, l’auteur nous plonge en parallèle dans un univers satirique sur la différence et le handicap. Il met en scène à travers son roman, une représentation de nos peurs dont celle d’être confronté à la différence de l’autre. Peut-être est-ce là une manière de nous sensibiliser au regard que l’on porte sur autrui, à ses ressources et son intelligence ? Quoi qu’il en soit, l’auteur a su y ajouter son style unique et mordant pour ne pas faire de ce roman un appel au don et à la pitié. Au contraire, nous sommes dans un contexte bienveillant malgré les pointes d’humour noir. Mais surtout, il a su pointer du doigts les contraintes que traversent les personnes porteuses d’un handicap (mais pas que) ainsi que les moqueries et les faits dépréciatifs qu’elles subissent plus que des preuves de sympathie. Je trouve alors intelligent de faire de Julie la narratrice principale, contrant ainsi les préjugés et stéréotypes réservés à ces personnes soit-disant inférieures. Car je vous rassure son cerveau fonctionne très bien !

Un polar sert avant tout à mettre en relief des faits de société soit sensibles soit tabous. L’utilisation de l’humour peut être à double tranchant et passer à la trappe jugé trop souple et peu entraînant. Ce n’est pas le cas dans ce roman.  Des sujets sensibles y sont introduits avec précisions, actions délirantes et personnages représentatifs d’une population variée et réelle.
Margoujols. Ce nom me fait penser à « la mare aux joncs » près de chez moi, mare réservée aux grenouilles et crapauds. Pas mal dans le genre, non ? Ironie du sort peut-être ? Coup de poker gagnant pour un décor bien planté laissant libre cours à l’imagination du lecteur.

D’autres thématiques lourdes ressortent nourrissant de réflexions le lecteur. Par exemple, des réflexions portées sur les normes sociétales mais également sur les us et coutumes d’un village. Les normes font références ici à celles de la beauté, de l’intelligence ou encore de la féminité et de la masculinité. Les personnages qui peuplent ce roman ont chacun le rôle de nous rappeler que la beauté est un critère abstrait et subjectif. S’y glisse aussi notre peur de l’inconnu qui nous force à nous conformer aux désirs des autres bien avant les nôtres et, à juger bien trop vite notre voisin. Mais Margoujols peut être désigné comme une invitation à penser différemment concernant le monde qui nous entoure.

La notion de secret vient compléter le tableau d’un sombre village. Au cœur de cette enquête les secrets vont bon train rendant plus complexe encore, son élucidation. Une manière de faire remonter ceux qui composent notre vie et amorcent la création d’imprévus. Personne n’est parfait, si ?

Il est à noter que ce roman quelque part dénonce la recherche d’une vérité que l’on pourrait considérer comme simple, mais qui s’avère renfermer une nébuleuse de complexités. Non, une vérité n’est ni toute noire ni toute blanche. C’est d’ailleurs ce que vient rappeler le genre même de ce roman. Il est nécessaire de prendre en considération le contexte des faits, l’histoire du village où ont eu lieu les meurtres et, les différentes personnalités des âmes qui composent ce joyeux tableau. Cette vérité se teinte également d’ignorance, de médisance et, de jalousie. Nos soupçons du coupable idéal sont propulsés à la vitesse grand V sur ce que l’on oublie de nommer par son vrai prénom : la peur.
Apprendre à se poser les bonnes questions est donc sous-entendu à la suite des réflexions que la lecture de ce roman met en lumière. Les interprétations de chacun des intervenants permettent de semer le trouble dans les esprits les plus rationnels.

Le décor étant planté, les personnages étant déjantés à souhait, parlons des actions à présent. Elles sont prenantes, surprenantes et s’enchaînent si bien qu’on en devient vite accro. Les chapitres courts sont addictifs. J’ai l’impression en lisant d’être plongée dans les pensées de La Vérité, les scènes étant le reflet de ce qu’il se passe dans notre société : ignorance, mépris, cachotteries, contrôle…

Au fil de ma lecture, je me laisse balader par l’auteur avec plaisir ne sachant prévenir le chemin qu’il souhaite me faire emprunter. Une métaphore que je lis comme une traduction romancée de la célèbre expression : Le ridicule ne tue pas. Nous sommes ici en présence d’un roman Cluedo loufoque aromatisé au beurre, que j’ai pris plaisir à déguster avec ce paquet de pop corn crémé… Ce roman se dévore sauvagement et m’a aidé à décompresser grâce à un style cynique et sarcastique de fiction-réalité. Je remercie l’auteur de m’avoir permis de rire de tout, c’est si jouissif !

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C’est soufflé comme les personnages de ce roman, piquant comme du poivre noir et addictif comme de la crème… Le tout pour seulement 96 calories ! Régime respecté !

A cet instant, vous êtes en train de me plaindre. Action normale qui montre que l’éducation judéo-chrétienne a bien fonctionné sur votre personne. Vous n’êtes pas sociopathe, vous pouvez continuer à émettre vos ondes compassionnelles jusqu’à atteindre un niveau satisfaisant de bonne conscience. Ensuite, vous pourrez opter pour une indifférence gênée et des regards lointains, parce que mine de rien, je bave et c’est dégueu.

Le mot de J.M.
– Menu de l’homme-homard en trois services –
Entrée
Buffet froid de crustacé en capilotade relevé à l’humour noir.
Plat
Assortiment de viandes saignantes sauce aigre-douce et son burlesque de saison.
Dessert
Moelleux lozérien au cœur fondant acidulé, coulis de freaks.
Bonne dégustation !

 

L’addition, s’il vous plaît

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Et vous l’avez-vous lu ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ?

D’autres livres de cet auteur à me recommander ?

Retrouvez toutes mes chroniques gourmandes dans les rubriques « Livres par auteurs » et « Livres par titres » !

Un grand merci à l’équipe de Lecteurs.com en partenariat avec les Éditions Buchet-Chastel pour ce magnifique concours que je suis heureuse d’avoir remporté et un immense merci à J.M. Erre pour son livre à l’humour décalé et au style unique ! Que dire de plus pour ce mot de l’auteur ? J’adore !

PAL – Mai 2019

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Hellow mes petits gourmands 🙂 Comment allez-vous ?

Aujourd’hui je vous fais découvrir ma PAL du mois de mai.

Au menu

  • La voleuse des toits Laure DARGELOS
  • Brooklyn Paradi$ – Tome 1 Chris SIMON
  • Deaf – Tome 3 – Joseph KOCHMANN
  • Ciao Bella, la vie l’emportera – Mélinda SCHLINGE
  • Une affaire comme les autres – Pasquale RUJU (Exploratrice du Polar avec lecteurs.com)
  • Qui a tué l’homme Homard ?J.M. ERRE
  • Le rosier de Julia – Frédéric DOILLON

(Oui je sais, les livres ne sont pas classés par ordre alphabétique, c’est normal ! Comme beaucoup d’autres lecteurs, j’organise ma petite popote au gré de mes envies et des arrivées gourmandes)

Pour ce mois de mai, je suis ravie de participer aux Explorateurs du Polar 2019 avec Lecteurs.com.

Vous retrouverez prochainement toutes mes chroniques en cliquant sur les titres des ouvrages dans ma PAL rubrique « Inventaire livresque ». Elles sont également disponibles dans mon bar culturel en cliquant sur les rubriques « Livres par titres » et « Livres par auteurs ».

Bonne dégustation !

Et vous, que lisez-vous ?