Virginie Vanos sur le grill !

Virginie VANOS, autrice du roman – Anna Plurielle – entre autres…

Alexandra : Bonjour Virginie, bienvenue dans « Auteurs sur le grill ! », pas trop stressée j’espère ? Ça devait arriver tôt ou tard… !

Virginie : Par écrit, mon seul stress est de faire des fautes d’orthographe, prise par l’action, mes pensées vont plus vite que mes doigts sur le clavier !

Dommage que vous n’ayez pas d’échappatoire…

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Passons en cuisine pour une présentation succincte de l’autrice et de son roman, Anna Plurielle…

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Alexandra : Entre reportages photos, voyages au bout du monde, autrice… vous semblez être une femme qui a la bougeotte ! Pouvez-vous nous dire qui est Virginie Vanos derrière ces multiples facettes ? Ces nombreux paysages vous aident-ils à écrire vos fictions ?

Virginie : Ah ça, c’est la question que j’ai arrêté de me poser, sous peine de frôler la méningite ! Vous définissez une partie de ce que je réalise… Mais ce que je suis… ? Mon Dieu, si  je le savais ! Une espèce de nomade, un curieux mélange d’introversion et d’extraversion, tantôt dure, tantôt douce… Une seule chose est vraie : mes voyages m’inspirent parfois, mais toujours, ils me permettent le recul nécessaire pour aborder de nouveaux romans. Les rencontres que je fais à l’étranger impactent aussi énormément mon écriture, ainsi que le ou les sujet(s) que je choisis d’aborder.

Alexandra : J’ai eu la chance de lire un de vos nombreux romans : Anna Plurielle. Vous embarquez les lecteurs à travers les limites de l’immortalité avec un style humoristique. Pourquoi avoir choisi un tel thème et quel message souhaitiez-vous faire passer ?

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Photo de couverture réalisée par ©Marc Naesen, photographe

Virginie : En fait, la Genèse de ce roman est beaucoup plus bête et prosaïque que cela ! Une de mes amie s’est plainte que mes romans n’étaient pas toujours d’une folle gaîté et qu’il y avait toujours minimum un décès tragique par récit. J’ai répondu « Chiche que j’écris un  livre où ça meurt toutes les dix pages tout en restant positif, optimiste et joyeux ! ». J’ai eu l’idée des réincarnations d’Anna et de son évolution à chacune d’entre elles. Je ne voulais pas faire dans le prêchi-prêcha spirituel ou religieux, je crois que je voulais juste parler du destin multiple d’un personnage. Ce qu’Anna réalise au cours de 8 incarnations est à mes yeux chose possible pour chacun d’entre nous en une seule vie… Si on en a le cœur, la motivation et l’envie, bien sûr !

Je ne voulais pas non plus tomber dans le bouquin feelgood, vu l’horreur que j’ai de ses manuels ou romans qui semblent nous dicter la recette miracle pour être heureux. Par exemple, quand j’ai un grand choc émotionnel négatif, je passe par une phase de chutes de tension à répétions, qui finissent toujours par quelques jours au lit,  pioncer 14 heures par jour, à lire et jouer avec mon chat. Je récupère ainsi en maximum une semaine, tant physiquement que moralement. Dans notre société qui met sans cesse la productivité en avant, qui condamnent ceux  qui ne vont pas de l’avant constamment, et qui se rit des peines, des deuils et des traumas, ça fait désordre. Si vous saviez tout ce que je peux entendre comme critiques et conseils à la con pour « maîtriser et contrôler » mes phrases de repli sur moi et sur mon petit monde sécurisant ! Je ne crois pas abuser avec une semaine grand max par an passée dans mon plumard à me ressourcer. C’est peut-être ma façon d’être un peu une Anna qui se pose, le temps de souffler, entre deux incarnations.

Bref, mon message serait « Évoluez si bon vous semble, faites comme vous le sentez, mais sachez qu’il est naturel d’avoir besoin de moments de respiration dans l’existence. »

Alexandra : Faites-vous une différence entre l’immortalité et la réincarnation ?

Virginie : Pas vraiment, en tout cas, je n’en suis pas tout à fait certaine… Je crois en l’immortalité de l’âme, et au fait que l’on continuer à évoluer même après notre mort physique. Je pense que la réincarnation doit sans doute exister, mais je ne peux pas dire que j’y crois tout le temps. J’ai trop de doutes, trop de questions et trop peu de réponses, le sujet est trop grand et je me sens bien petite et bien humble face à tout cela.

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Photo prise par ©Sonia Willems lors d’une séance de dédicace

Alexandra : Comme Anna, avez-vous la capacité de vous réinventer à travers vos personnages ? Qu’est-ce que cela vous apporte ?

Virginie : Je ne pense pas me réinventer autour de mes personnages. C’est plutôt mes changements de vie, mes humeurs, mes phrases émotionnelles, mes découvertes qui font surgir les personnages en moi et devant moi.

Parce-que vous vous intéressez également à la beauté, ses normes…

Alexandra : Anna, malgré ses nombreuses réincarnations, garde entre autre, ses yeux bleus. Est-ce là un symbole sensibilisant le public au regard que nous portons sur autrui ?

Virginie : Plutôt le regard que nous portons sur nous-mêmes, nos actes, nos rêves nos joies, nos regrets et nos chagrins. Les yeux d’Anna sont d’abord des ouvertures sur son monde intérieur. Si elle ne sait pas qui elle est et ce qu’elle veut, comment pourrait-elle alors considérer le monde avec justesse et bonté ? Celui ne se connaît pas n’aura jamais le don d’altruisme, d’amour et d’amitié à l’égard d’autrui.

Alexandra : À plus large sens, les critères de la beauté et de ses normes sont d’or dans notre société. Diriez-vous que l’apparence physique peut être source de discrimination ?

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©Virginie Vanos – Coup de gueule !

Virginie : Oui, mille fois oui ! C’est presque une obligation légale d’être beau, jeune, enthousiaste et en bonne santé ! Si je dois juste parler de mon histoire, j’ai eu un cancer du sein 2017 qui a été résolu avec une « simple » mammectomie avec reconstruction immédiate et sans traitement adjuvant. Lors des premiers mois, j’étais vue comme un genre de Superwoman qui avait vaincu le cancer avec élégance et brio. Ensuite, j’ai cumulé les soucis suivants : staphylocoque, abcès, épanchement lymphatique, fibrose et aggravation de mon endométriose. On ne peut pas dire que j’étais marrante, fun et sexy durant les deux dernières années.

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©Virginie Vanos

J’ai eu droit à un sacré paquet de rumeurs infamantes, d’insultes sur mon état physique et psychologique présumé et surtout, j’ai été rejetée par bon nombre de gens. J’étais (et je le suis encore un peu aujourd’hui) taxée de personne toxique. J’ai perdu des potes, une partie de mes projets, une bonne part de mes économies… Mais le pire était d’entendre que j’étais une emmerdeuse vieille, moche et puante (dixit !). Un de mes anciens amoureux, pourtant nettement plus âgé que moi, m’a traitée de vieille femme dégueulasse. Quand j’ai voulu lui répondre, il m’a rétorqué « C’est pas de ma faute si tu es moche ! ». Des histoires pareilles, je pourrais en raconter plusieurs dizaines…

Alexandra : Ainsi va le modèle de notre société… Selon vous, sommes-nous à la poursuite d’un idéal de beauté élusif ? Portez-vous des expériences négatives, discriminantes ou raciales ?

Virginie : Pour les femmes, interdiction d’avoir plus de trente ans (sauf si on est une « honorable épouse et mère de famille »), il faut être fine comme un roseau mais avec une belle poitrine, n’avoir ni rides ni acné, être toujours souriante et péter le feu côté sexuel et sexualisation ! Bien sur, être de type caucasien est un avantage. Mais être Russe ou du Sud-est asiatique est aussi un énorme bonus.  Il faut être élégante, intelligente mais ne pas trop la ramener et se cacher si on a le malheur d’être enrhumée ou d’avoir une gastro. Oui, j’ai dû faire face à des discriminations face à mon état de santé, mon âge (le spectre de la quarantaine est doucement en train  de se dessiner à l’horizon….), de mon orientation sexuelle (que je qualifierais d’initialement bisexuelle évoluant ensuite vers une hétérosexualité très romantique et moyennement charnelle pour s’achever enfin en asexualité presque totale), mes croyances religieuses (je me considère comme monothéiste non-identifiée à tendance ésotériste et imprégnée de philosophie orientale), des mes opinions sociopolitiques et de mon absence totale de désir d’enfants. Bref, je ne rentre dans aucun schéma préétabli. Ça dérange, ça perturbe, et occasionne des rejets fréquents de tout ce que je suis et de ce que je ressens.

Alexandra : Je ne rentre pas dans ces pseudos critères ni vous d’ailleurs, cela fait de nous des femmes différentes… mais tellement riches ! En quoi cette recherche d’idéal peut freiner l’acceptation de notre image ? Peut-on parler de « stratégie » à adopter pour ne pas affecter notre estime de soi et notre confiance en soi, selon vous ?

Virginie : Je ne crois pas qu’il y ait de bonne stratégie, en tout cas, je n’en ai pas développé. J’avance au jour le jour. Il y a des jours où j’ai envie de hurler « Arrêtez-moi, empêchez-moi de nuire, je suis une atteinte au bon goût élémentaire !), d’autres où je suis moyennement satisfaite de ce que je suis, intérieurement et extérieurement. Je ne me suis jamais aimée, d’aussi loin que je m’en souvienne. J‘ai des parents, des amis et des collaborateurs qui m’aiment à ma place, cela me suffit et c’est mieux comme ça. Le système est loin d’être idéal, je ne pense pas que ce soit la meilleure voie, mais c’est la seule qui me convienne sur le long-terme.

Alexandra : Trouver sa place pour Anna est très difficile au même titre que jongler avec différentes personnalités. L’une de ses missions est de « vivre un véritable amour ». Pensez-vous que cela soit possible de nos jours ?

Virginie : Me demander cela, c’est comme demander conseil à un avocat qui sort de prison ! Oui, je connais des couples, homos et hétéros, mixtes comme homogames ; heureux et harmonieux sur la durée. Mais ce n’est pas mon cas et ne l’a jamais été, même si certains êtres m’ont apporté joie et bonheur pendant quelques semaines à quelques mois.  En ce qui me concerne, je n’attends rien, je ne cherche pas, mais qui sait ? L’avenir peut réserver des surprises.

Alexandra : Sa dernière mission est d’ »avoir une pensée philosophique faisant avancer l’ensemble de la pensée humaine et la diffuser ». Quelle serait la votre ?

Virginie : Mieux vaut se tromper d’idéal que de ne pas en avoir du tout. Aimer, même sans espoir de retour, car le don de cœur n’est jamais perdu. Ayez autant de rêves que de projets. Dites oui ou non, mais soyez toujours sincère. N’ayez pas peur de prendre des risques. Osez, soyez libres dans vos têtes et dans vos cœurs, gardez les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.

Une dernière question avant d’être prête à dégustée…

Alexandra : Des projets en cours ?

Virginie : Mon dernier roman, « Negombo », est dès à présent disponible !

 

J’ai quelques voyages photo sur le feu, encore 4 jusqu’ la fin de l’année 2019. Deux stages de plongée sous marine (sport dont je suis follement éprise !) en plus de mon entraînement bihebdomadaire. La reprise des séances photo  comme modèle, peut-être, pour autant que je sois en bonne forme physique et morale. Et sans doute, en décembre prochain, comme chaque année, je vais commencer à réfléchir à un prochain roman…

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©Jean-Luc du Relax Diving Club de Bruxelles

Alexandra : Merci beaucoup Virginie pour le temps que vous avez passé sur le grill. J’espère que vous n’avez pas eu trop chaud !

Virginie : Non, les propos que  nous avons échangés a été pour moi comme un grand vent frais !

Virginie Vanos a été cuite à feu doux  par ©Alexandra Papiers Mâchés.

Cuite à point, comme une bonne petite brioche dorée ! Merci Alexandra !

Anna Plurielle et ses autres romans sont disponibles sur

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Pour aller plus loin

Virginie derrière l’objectif

Virginie devant l’objectif

Retrouvez ma chronique gourmande sur la fiction de Virginie VANOS – Anna Plurielle – juste ici.

Découvrez mes autres interviews en allant juste .

Si vous aussi, vous souhaitez découvrir à quelle sauce vous allez être mangé, rendez-vous dans la rubrique – contact –

Chloé Guillot Elouard sur le grill !

Pour vous mettre dans le bain, commencez par écouter ceci, puis, poursuivez votre route vers le bar à cocktails…

Vidéo de promotion réalisée par – ©Chloé Guillot Elouard –

Alexandra : Bonjour Chloé ! Vous aviez envie de passer sur le grill ? Très bien, nous y sommes. J’espère que vous vous êtes assez badigeonnée d’écran total…

Chloé : J’habite au pays du barbecue, je suis parée à toute éventualité !

Excellent ! Où est la sauce andalouse ?

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Chloé Guillot Elouard, une professeure de français, expatriée aux États-Unis…

Alexandra : Entrons tout de suite dans le vif du sujet avec une question qui nous turlupine tous ! (ou surtout moi…). Comme nous l’apprenons sur les réseaux sociaux, vous avez fait le choix de vivre aux États-Unis, que souhaitiez-vous trouver là-bas ? Quelles grandes différences notez-vous ?

Il y a d'autres choses curieuses que je n'ai pas encore goûté... Par exemple le humus au chocolat !!

Il y a d’autres choses curieuses que je n’ai pas encore goûté… Par exemple le humus au chocolat !! ©Chloé Guillot Elouard –

Chloé : Alors en vérité, c’est provisoire, et c’est dû au travail de la personne qui partage ma vie. Mais nous avons choisi la destination : un pays anglophone pour faciliter notre intégration et avec tellement de coins mythiques à visiter ! Sauf que je me suis vite rendue compte que parler anglais ne suffisait pas, il fallait aussi s’habituer à toute une culture du langage : les Américains sont plus directs que nous et aussi plus extravertis, ce qui peut être déroutant parfois ! Charline, qui est mon personnage préféré dans Mémoires d’éléphant, est une jeune Franco-Américaine qui n’a pas sa langue dans sa poche ! Aussi, puisque votre blog parle de goût, sachez que j’ai eu l’occasion de tester le PBJ, le sandwich beurre de cacahuète – confiture de fraise, que l’on voit dans beaucoup de films américains et que Charline adore… Et moi aussi !

Alexandra : Wow ! Il me faudra tester cela prochainement alors. Parlons travail… Vous êtes professeure de français. Écrire des livres est pour vous une passion ou souhaitez-vous en faire votre métier ?

Chloé : En fait, on peut dire qu’actuellement, écrivaine et professeure sont mes deux métiers « à égalité ». Concrètement, je suis auto-entrepreneuse, donc mes revenus de livres apparaissent sur mes impôts, à côté de mes cours particuliers !
J’ai toujours aimé écrire, c’est une passion dans ce sens-là, mais pendant longtemps je n’envisageais pas de devenir professionnelle car les conditions sont difficiles et je ne voulais pas être obligée de contraindre mon écriture pour gagner ma vie (par exemple, devoir écrire plus ou plus vite, m’interdire certains sujets).
Aux États-Unis, les auteurs indépendants ne sont pas mal vus : c’est un travail d’artisan, on investit beaucoup d’énergie dans l’écriture, la publication, la promotion et les lecteurs sont seuls juges de la qualité. Donc, j’ai fait de mon rêve un projet et maintenant c’est mon activité professionnelle. Je ne sais pas si j’aurais envie d’être autrice à temps plein, pour les raisons que j’ai évoquées au début (précarité, contraintes) et aussi parce qu’en étant professeure, je rencontre beaucoup de monde, et ça m’inspire toujours pour mes histoires. Et ça c’est très précieux !

Alexandra : Que pensez-vous alors de la formule suivante : « Se sentir écrivain » ? Et vous, vous sentez-vous écrivaine ?

Chloé : Je pense qu’à partir du moment où l’on écrit assez régulièrement, que l’on aime écrire, on peut se sentir écrivain ; et si on est prêt à partager ses textes, alors on est écrivain, parce qu’on a achevé un travail d’écriture. On peut tous se sentir écrivain, avoir cette passion, comme on pourrait avoir la passion de la musique sans forcément faire des concerts. Quand on accepte de mettre le point final à une histoire après l’avoir retravaillée, qu’on la donne au monde, on est écrivain, ça devient un « statut ». Moi, j’ai les deux : je me sens écrivaine, et je suis écrivaine, mais je ne me considère comme telle que depuis que je suis allée au bout du processus. Avant d’avoir publié et d’avoir des lecteurs, je ne le disais pas ; maintenant je me présente toujours en tant que « romancière et professeure ».

Photo spéciale exclusive pour Papiers mâchés

Photo spéciale exclusive pour Papiers mâchés réalisée par – ©Chloé Guillot Elouard –

 

J’en profite pour préciser : être écrivain n’est pas mieux que se sentir écrivain ! Si l’on aime écrire mais pas partager, cela ne veut pas dire qu’on est moins bon, ou moins légitime. Cela veut plutôt dire que c’est une activité qu’on aime faire pour soi, plutôt qu’une activité professionnelle !

Second roman, destination : le handicap. Chloé sensibilise ses lecteurs sur l’acceptation de soi avant de combler les attentes des autres…

Alexandra : Merci pour nous avoir éclairés et de nous avoir transmis vos ressentis sur la question. Parlons de vos romans. – Mémoires d’éléphant – publié le 16 février 2019 est donc votre second roman après – Irrégulières – (dont vous trouverez toutes les informations sur le site web de l’autrice, juste ici). Cette fois, vous abordez le sujet épineux du handicap. Pouvez-vous nous résumer votre ouvrage en nous expliquant votre choix ? En quoi ce sujet vous touche-t-il particulièrement ?

Chloé : Mémoires d’éléphant, c’est la rencontre entre deux mondes. D’un côté, un garçon beaucoup trop sérieux et appliqué ; de l’autre un homme différent, touché par un handicap, et qui du fait de cette différence ne fera jamais ce qu’on attend d’un adulte ordinaire.
Mémoires d’éléphant, c’est le besoin permanent des personnages de satisfaire les attentes des autres ; besoin qui va être ébranlé par un personnage libre d’être lui-même entièrement, avec ses forces et ses faiblesses. Le livre va révéler une série d’évènements qui font qu’à la fin, plus personne ne rentre dans la case dans laquelle il ou elle s’était forcé à entrer !

Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de travailler avec des jeunes en situation de handicap, et ils étaient souvent confrontés à ce besoin de faire comme les autres, quitte à souffrir pour les imiter ou à se mettre des objectifs inatteignables. Je trouvais ça révoltant que ces adolescents, parce qu’ils ne pouvaient pas faire les choses « comme tout le monde » devaient faire semblant, au lieu de faire différemment ! C’est pour ça que j’avais envie d’aborder ce sujet : je trouve que les personnes en situation de handicap sont encore plus contraintes que les valides à rester dans des limites fixées par d’autres.

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Photo de couverture du roman de Chloé Guillot Elouard

Alexandra : Le message que vous faites passer est très fort et outre le handicap, Mémoires d’Éléphant traite donc de la tolérance ou encore de l’acception de soi. Comment définiriez-vous ces notions ? Que souhaitiez-vous transmettre aux lecteurs ?

Chloé : Une chose qui me tient très très à cœur dans toutes mes histoires, c’est la manière dont les autres nous influencent. Qu’il s’agisse du couple, de la famille, de l’école ou de la société entière, on se construit souvent par rapport à des attentes qu’on prête aux autres.
On voudrait, consciemment ou non, correspondre à ces attentes, ou les décevoir ; et à force de ne penser qu’aux autres, on passe à côté de soi-même.
Mes personnages sont souvent des gens imparfaits, qui ne veulent pas montrer qu’ils le sont : ils se cachent, ils s’infligent des contraintes, ils sont incapables d’être sincères et… la vie se charge de leur mettre un grand choc qui va les faire s’arrêter et se dire : « Est-ce que j’ai vraiment envie de continuer à faire semblant ? ».

Quand j’écris un livre, j’espère que mes lecteurs s’identifient à ces personnages en difficulté, et du coup, qu’ils ont envie d’être bienveillants ET bien dans leurs baskets ! Il n’est jamais trop tard pour devenir une meilleure version de soi-même, plus fidèle à ses envies et pour s’aimer.

Alexandra : C’est bien vrai ! Je remarque que vous écrivez « Mémoires » au pluriel, quels sont les différents aspects de la mémoire que vous souhaitiez aborder ? Ce titre a-t-il un sens particulier pour vous ?

Chloé : Au départ, c’était plutôt un clin d’œil aux Mémoires en tant que genre littéraire : les Mémoires sont des autobiographies de personnes qui ont été témoins d’évènements importants, et lorsque l’on termine le livre, on se rend bien compte que ce petit éléphant en peluche tient une place très très particulière dans les secrets d’une famille… Mais je ne vais pas tout vous révéler, je vous laisse enquêter !
Évidemment, c’est aussi un jeu de mots avec l’expression « avoir une mémoire d’éléphant », qui veut dire « se souvenir clairement de tout », alors que tous mes personnages luttent pour oublier certains éléments de leur passé qui les font souffrir !

Alexandra : De nombreuses métaphores enrichissent votre roman et m’ont beaucoup interpellées, pourquoi avoir fait ce choix ? N’avez-vous pas peur que certains lecteurs passent à côté de ce qu’elles signifient ?

Chloé : Ça fait partie de mon « style » si on peut appeler ça comme ça, et je l’assume puisque j’essaye d’être moi-même. J’ai une mémoire visuelle, donc les images ont beaucoup d’importance pour moi et c’est souvent pour ça que j’intègre des métaphores. C’est aussi un pari que j’aime bien faire avec le lecteur : sur une image que je donne, aura t-il le même ressenti que moi ?

Dans un livre, il y a toujours deux histoires : celle que j’écris, et celle que le lecteur va réinventer en me lisant. Les métaphores permettent cette liberté d’interprétation. Ça ne me pose aucun problème si elles sont comprises différemment : bien souvent, j’écris des choses avec une intention que personne ne voit, et d’autres choses gratuites sont interprétées. Quand on est écrivain, il faut accepter l’idée que le lecteur rendra le livre un peu différent ! Tout va bien tant que mon message général reste clair : « Soyez bienveillant avec vous-mêmes, embrassez vos imperfections ! »

Alexandra : Le métier de professeure d’Agnès, la mère de Jimmy, serait-il un clin d’œil pour souligner le fait que l’apprentissage de l’amour familial (et l’acceptation de soi) est un travail à réaliser pour Agnès ? De plus, sa fonction est-elle à mettre en lien avec votre propre métier de professeure ? Est-ce seulement ce trait qui vous lie à votre personnage ?

Chloé : Vous venez de donner un exemple parfait de ce que j’expliquais juste avant : vous avez vu dans ce livre un élément que je n’avais pas forcément mis dans cette intention (et c’est génial, c’est là toute la beauté d’un livre !). En fait, j’ai choisi enseignante-chercheuse à l’université parce que cela fait partie, d’après moi, des métiers qu’on peut avoir du mal à laisser à la porte de chez soi en rentrant le soir. Pourquoi ? Parce que c’est une passion, une vocation qui peut toujours s’enrichir et qui est en interaction avec de l’humain, donc de l’affectif. C’était donc un bon point de départ pour faire craquer un personnage trop studieux !
Mais vous avez raison, il y a un parallèle à faire entre le travail d’Agnès et sa relation à son fils : c’est parfois plus facile de régler les problèmes des autres que de toucher à ses propres blessures, à ses propres erreurs.
Mon métier est assez différent de celui d’Agnès car je ne suis pas chercheuse, et d’ailleurs, on m’a un jour reproché d’avoir un regard un peu cliché sur l’enseignement à l’université, car il y avait un personnage similaire à Agnès dans Irrégulières ! Mais j’ai choisi cet environnement, parce que c’est un exemple de métier qui peut occuper vos pensées constamment si vous n’y prenez pas garde ; alors on peut dire que ça se rapproche de moi, quand je me réveille au milieu de la nuit pour noter une idée pour un roman !

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Le T-shirt que je porte en dédicace : Fais gaffe ou tu vas finir dans mon roman – ©Chloé Guillot Elouard –

Je ne pense pas avoir beaucoup de points communs avec mes personnages, dans le sens où je serais incapable d’écrire sur ce que je vis ou ressens actuellement. J’ai besoin de prendre du recul pour raconter une histoire en entier : depuis le personnage de départ jusqu’à son évolution finale. Donc, mes personnages sont plutôt en lien avec des choses que j’ai vues ou connues personnellement, mais que j’ai dépassées : le désir de correspondre aux attentes des autres, le burn-out, les troubles du comportement alimentaire…

Alexandra : Ce qui confirme la place importante qu’ont les émotions au sein d’un roman. L’un de vos personnages principaux, Jimmy, est un petit garçon plutôt introverti et très angoissé. A plusieurs reprises, il sent le besoin de se nourrir de sucreries. Que cherche-t-il à combler ?

Chloé : Jimmy est un garçon qui veut être à la hauteur des attentes (supposées) de sa mère, pour qu’elle l’aime toujours et qu’il ne se retrouve pas tout seul. Une peur de l’abandon assez classique, mais renforcée par le fait qu’il n’a plus qu’un parent, car son père est mort de manière brutale. Jimmy veut donc être un fils parfait, mais c’est impossible d’être parfait ! Alors pour garder le contrôle sur lui-même et donner le change, il se rabat sur la seule chose qui est à sa portée : la nourriture. Avec la nourriture, il peut se consoler tout seul quand il a peur, ou se punir quand il se sent nul. Ça lui donne un cadre, et il a désespérément besoin de se sentir tout le temps cadré.

Alexandra : Pensez-vous que pour protéger son enfant porteur d’un handicap, il faille le cacher au reste du monde ?

Chloé : Surtout pas ! Les personnes en situation de handicap ont autant le droit de vivre leur vie que les personnes valides ; et c’est important qu’elles soient visibles, représentées et acceptées telles qu’elles sont ! Simplement, faire partie du monde n’oblige pas à faire partie du moule : il faut que cet enfant puisse être pleinement lui-même, pas qu’il soit avec les autres pour faire comme les autres.

Alexandra : Est-ce que d’après vous, le regard plutôt froid que nous portons sur le handicap a évolué ces dernières années ? Si oui ou si non, en quoi ?

Chloé : Je pense que ça évolue très lentement, et que le manque de connaissances des différents handicaps provoque des situations terribles. J’ai souvent vu des gens faire des raccourcis vraiment dégradants : Untel a du mal à écrire, alors il doit être idiot, une autre dit qu’elle est handicapée mais ça ne se voit pas, alors ça ne doit pas être si grave… Bref, je pense qu’on gagnerait tous à échanger avec des personnes concernées plutôt que de décider à leur place de ce qu’elles sont capables ou non de faire… Tiens en fait, ce conseil fonctionne aussi pour les personnes valides !

Merci de vous être livrée à plusieurs confidences et de nous avoir éclairés quant à vos intentions cachées derrière votre roman. Deux questions avant d’être prête à déguster…

Alexandra : Est-ce un choix de vendre vos livres sur Amazon ?

Chloé : Oui et non. Être indépendante est un choix que j’ai fait au moment de publier Irrégulières, car comme je l’ai dit : aux USA, c’est un vrai métier et en plus la thématique plutôt féministe de ce roman ne correspondait pas à énormément de maisons d’édition.

Amazon est extrêmement pratique pour vendre mes livres partout, c’est l’idéal en expatriation. D’un autre côté, j’aimerais avoir d’autres moyens de diffuser, car ce site fait de l’ombre à des passionnés (libraires, éditeurs, imprimeurs) qui ont plus besoin de notre soutien qu’un milliardaire ! C’est donc à réfléchir pour mon retour en France…

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Quand on m’achète mes deux romans d’un coup et que je ne sais plus quoi dédicacer – ©Chloé Guillot Elouard –

Alexandra : Un troisième roman est-il en cours de cuisson ?

Chloé : Deux projets marinent dans mon cerveau en ce moment, je grattouille un peu, mais je ne sais pas encore lequel sera cuisiné le premier !

Alexandra : Merci beaucoup Chloé pour le temps que vous avez passé sur le grill. J’espère que vous n’avez pas eu trop chaud !

Chloé : J’espère ne pas avoir éteint les braises à force de souffler d’aussi longues réponses ! 😉

Chloé Guillot Elouard a été cuite avec virtuosité par ©Alexandra Papiers Mâchés.

Chloé : Merci beaucoup Alexandra pour ces questions très intéressantes ! C’était un plaisir !

Un plaisir partagé !

Son roman est disponible sur
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